Lisa s'arrache les cheveux pour ne pas abimer les vôtres

LAO, le shampoing étudiant éco-responsable

Étudiante-entrepreneure, Lisa élabore un shampoing respectueux de l'environnement - et de vos cheveux.

Interview publiée dans le cadre du Mois de l'ESS

Quel est votre parcours ?

Je m'appelle Lisa, j'ai 23 ans, je suis étudiante-entrepreneure*. Après un Bac S, j'ai commencé par un Bachelor en affaires internationales à l'EM Strasbourg puis à Grenoble École de management pour un double diplôme Master en affaires internationales et Programme Grande École.

J'ai été entourée assez rapidement d'étudiants internationaux, ça m'a beaucoup ouvert. J'ai d'ailleurs effectué deux séjours à l'étranger : 3 mois en Irlande et 6 mois en Suisse. J'ai beaucoup aimé évoluer dans un cadre différent.

*NDR : Lisa est accompagnée par le PÉPITE OZER, du réseau des étudiants-entrepreneurs PÉPITE France.

Quel a été le déclic pour lancer LAO ?

Pendant ma césure, j'ai eu la chance d'intégrer les groupes L'Oréal puis Chanel, en marketing international.

En gros, on devait développer les produits d'un point de vue marketing, au niveau international. Je contactais les labos pour leur exprimer nos besoins et il y avait ensuite des évaluations scientifiques sur les produits puis enfin le travail sur le packaging, le nom, la communication...

C'était hyper complet et ça m'a énormément plu et en particulier pour l'aspect scientifique, ce qui m'a étonné ! J'ai travaillé sur les crèmes solaires, et les crèmes solaires, c'est très compliqué, ça nécessite beaucoup de recherches et de connaissances scientifiques - et en fait, ça m'a passionné.

Cela a réveillé en moi l'envie de comprendre les produits d'un point de vue chimique, scientifique et écologique.

J'ai rencontré Hadrien, un entrepreneur qui a créé une crème solaire et je l'ai interviewé dans le cadre de mon mémoire. On a beaucoup échangé sur l'aspect création de produit et chimie. Il m'a beaucoup éclairé sur le montage de projets via une startup, le fait que l'on devait tout faire, tout gérer.

Et le gros déclic, c'était l'emballage parce que je voulais m'orienter vers le zéro-déchet.

Du coup, je recherchais du shampoing solide et au fil de mes recherches je tombe sur une marque et des commentaires de clients qui pointent l'usage de sulfates dans le produit. Le sulfate, qui peut être utilisé pour décaper les sols... je tombe de ma chaise et je me dis que je ne peux pas mettre ça sur mes cheveux.

Par la suite, j'ai testé toutes sortes de shampoings solides et liquides qui se revendiquaient naturels, sans jamais trouver mon bonheur

Je fais des recherches sur ce que contiennent les shampoings, pendant des heures et de heures, c'était un vrai casse-tête pour moi. Finalement, j'ai décidé de le faire moi-même.

Lisa & Hadrien - © Lisa Werlé

Comment vous êtes-vous organisée ?

J'ai commandé tous les ingrédients, j'ai préparé ça chez moi ; mes parents se sont d'ailleurs bien moqué de moi avec mes huiles essentielles et mon bain-marie. J'ai réussi à créer un premier shampoing solide, avec une consistance dont j'étais satisfaite, sauf que... au bout de deux semaines mes cheveux sont devenus secs, poisseux, difficilement coiffables et je me suis dit qu'il y avait un problème (rires).

Comme j'aime bien comprendre, j'en ai parlé à d'autres personnes, j'ai échangé dans des groupes sur internet et j'ai trouvé plein de gens qui avaient eu la même expérience. D'un seul coup, je me suis rendu compte que je n'étais pas la seule à trouver que les shampoings naturels manquaient d'efficacité.

J'allais signer pour une alternance chez un très gros groupe de luxe et j'ai eu un gros doute à ce moment de mon parcours. Je me suis dit : « tant pis, je tente le tout pour le tout et je monte ma boîte ».

J'ai participé à un startup weekend pour présenter mon idée et j'ai fait un gros bide...

Mais je n'avais pas forcément l'auditoire captif pour mon projet. Heureusement, l'organisateur m'a rassuré sur mon idée et après m'avoir écouté, il m'a convaincu qu'il ne fallait pas que je me décourage parce que mon projet était viable et avait du potentiel.

Je n'ai pas dormi de la nuit et finalement, j'ai poursuivi ma participation au startup weekend, que j'ai remporté... en me retrouvant par la même occasion en finale mondiale !

Il a fallu créer une vidéo de présentation du projet en un temps record, on l'a posté sur LinkedIn et elle a eu tellement du succès que des gens ont commencé à me demander où se procurer mon shampoing... mais il n'existait pas vraiment à ce moment-là ! (rires). L'idée était validée, j'avais plus le choix. Il fallait le faire.

© Lisé Werlé

Comment ça va fonctionner LAO ?

L'inconvénient du shampoing solide, c'est qu'il fond dans la douche si on ne le sort pas après utilisation, parce qu'il est hyper concentré, ce qui assèche les cheveux, en plus. J'ai aussi découvert que 99% des shampoings solides étaient très polluants à la fabrication.

Donc même s'il n'y a pas d'emballage, ils ne sont pas si écologiques que ça.

C'est ce que j'appelle la triple pollution du shampoing : les ingrédients, l'impact chimique de la formule et l'impact physique du flacon.

Pour moi, le shampoing solide ne répond qu'à l'une de ces problématiques (le flacon), donc pas assez complet.

J'ai cherché à produire un flacon le moins polluant possible.

J'ai fait beaucoup d'essais, je suis partie sur la production de flacon compostable et j'en suis revenu parce que je me suis rendu compte que le compostable, c'était fait à partir de canne à sucre, qui était importée du Brésil, qui était transformée en plastique végétal et se décompose uniquement dans certaines conditions...

Une problématique en cache une autre... ?

C'est ça. Utilité sociale, développement durable, circuits courts, impact carboné limité... tout ça, c'est lié et quand tu essaies de faire le produit le plus parfait possible, c'est très délicat.

Or, ce qui m'intéresse, c'est pas seulement de vendre mon produit mais de pouvoir maîtriser tout son cycle de vie.

J'ai finalement opté pour du plastique 100% recyclé, la meilleure alternative selon moi en termes d'impact carbone et de transport, de réutilisation du plastique, etc. Je travaille cela dit actuellement sur un nouveau matériau, donc je reste constamment en veille pour améliorer mon produit.

LAO, la nature fait des miracles

© LAO Cosmétiques

Qu'est-ce que vous a apporté l'entrepreneuriat étudiant ?

Être étudiant-entrepreneur c'est pouvoir échanger avec d'autres étudiants, qui ont des projets totalement différents et cela nourrit les réflexions. Par exemple, j'ai récemment discuté avec un étudiant-entrepreneur qui a un projet dans la papeterie. On pourrait croire qu'il n'y a aucun lien avec mon projet de shampoing mais en fait, si : au niveau du packaging. Je m'intéresse au carton pour l'emballage de mon produit et cet étudiant avait plein de conseils et de contacts à me donner.

Je pense que pour entreprendre il faut s'entourer.

En termes de crédibilité aussi, le fait qu'étudiant-entrepreneur soit un vrai statut donné par le ministère de l'enseignement supérieur et que ce soit encadré par un pôle pour l'innovation (PEPITE), cela simplifie les choses pour les financements, les rendez-vous professionnels, etc.

Pour mon école aussi, c'est un gage de crédibilité et ça m'a permis d'aménager mon emploi du temps pour pouvoir travailler de façon plus souple sur mon projet, quand j'ai rendez-vous avec mon banquier par exemple. Je vais aussi avoir accès à des formations, à des MOOCs, etc.

Comment vous pourriez définir l'ESS ?

On ne peut pas continuer à consommer comme on le fait actuellement. Recycler, ça ne suffit pas, il faut s'attaquer à la racine du problème c'est-à-dire la production. Il faut créer des produits qui ont une incidence sur la façon de consommer sans trop changer les habitudes des gens. La démarche ESS c'est aussi adapter les produits aux consommateurs de demain, pour lui faciliter la tâche. C'est ensuite au consommateur de faire des choix durables et responsables, à son échelle.

C'est comprendre qu'il n'y a qu'une seule planète et qu'on doit faire avec les ressources qu'on a.

Node Footer Info