L'économie circulaire qui évite aux éboueurs de tourner en rond

Unico, les poubelles collectées / connectées

Étudiant-entrepreneur à Grenoble, Clément développe avec trois amis un système pour optimiser la collecte des déchets, dans une démarche d'économie sociale et solidaire.

Interview publiée dans le cadre du Mois de l'ESS

Quel est votre parcours ?

J'ai fait des classes prépa pour entrer en école d'ingénieur, l'Ense3, l'Ecole Nationale Supérieure de l'Energie, l'Eau et l'Environnement.

Ce qui m'a attiré c'est le fait que l'école soit énormément tournée vers les questions de développement durable.

On a de plus en plus de cours spécifiques et de manière générale, les cours prennent en compte ces considérations et ces enjeux. J'ai pris une spécialisation, « systèmes énergétiques et marchés », pour m'orienter vers les questions de transition énergétique, d'un point de vue législatif et juridique.

J'aurai dû être diplômé l'an dernier mais j'ai choisi de faire une césure.

© Unico

Je suis parti 6 mois au Cambodge pour faire de l'entrepreneuriat social, chez Entrepreneurs du monde. On développait une microgrid solaire dans une campagne cambodgienne, accessible aux populations les plus pauvres.

Après, je suis parti au Pérou pour faire de l'humanitaire dans la forêt amazonienne; principalement des cours d'anglais, des projets autour de la gestion du plastique, de la prévention, de la sensibilisation... On a par exemple mis en place un cycle de collecte des déchets dangereux, on mis les gens en relation avec des centres de traitement locaux parce qu'il s'agissait de petites communautés isolées.

Et là, je suis de retour à l'Ense3 avec le statut étudiant-entrepreneur, pour terminer mon cursus et avoir mon diplôme d'ici la fin de l'année si tout va bien.

Sur le plan associatif, j'ai fait de l'humanitaire en 1ère année, un projet d'éolienne artisanale implantée dans un village marocain. J'ai aussi fait partie du Bureau des sports et du Bureau des élèves, dans lequel j'étais responsable développement durable et solidaire. C'était super intéressant, il fallait se confronter aux objectifs de l'école en termes d'actions sociales, solidaires et environnementales avec notamment l'administration du Plan Vert. Mon rôle était de représenter les étudiants en faisant remonter les initiatives et propositions : mise en place de paniers bio via une AMAP, conférences, etc.

Quand l'idée d'Unico a-t-elle germé ?

On travaille à quatre sur ce projet et c'est parti d'un cours sur l'entrepreneuriat puis d'une soutenance qui a suscité un enthousiasme collectif autour du projet.

L'idée part d'une constatation : quand on part en vacances, que se passe-t-il avec nos poubelles ?

Est-ce qu'on est en capacité d'informer les gestionnaires de collecte que ce n'est pas la peine de venir chercher les poubelles ou de faire tel ou tel trajet ?

© Unico

Comment ça va fonctionner ?

Comme le projet est en développement, on est toujours en réflexion et les choses bougent encore mais je vais expliquer le principe simplement.

Ce qui est important est de pouvoir impliquer tous les acteurs du processus de collecte, pour l'optimiser.

On veut proposer un système qui s'appuie sur deux outils.

Le premier, c'est une application mobile destinée aux citoyens qui vont avoir la possibilité de s'informer, de trouver des conseils sur leur consommation et leur production de déchets. Par exemple, comment tendre vers le « zéro-déchets », où trouver autour de moi des composteurs ou des conteneurs pour le verre, etc, dans quel bac je dois mettre tel produit - et la réponse est donnée en scannant ce produit, etc.

Et en lien avec ça, il y a un aspect déclaratif important pour que le système fonctionne, c'est-à-dire indiquer que l'on a sorti sa poubelle par exemple ou au contraire que l'on est parti en vacances pendant deux semaines et qu'il n'est donc pas nécessaire de passer par chez moi pour la vider.

C'est d'autant plus important pour les logements situés « à la marge » des trajets de collecte et qui feraient faire des « détours » inutiles.

C'est ce que les gros groupes de collecte appellent « la gestion des écarts ».

J'ai rencontré des gens de Suez, Veolia, des collectivités et c'est une problématique qui est remontée assez rapidement. Aujourd'hui, il n'y a pas de moyens de faire remonter ces informations et surtout, pour les éboueurs, de pouvoir exploiter ces informations.

Un autre outil, un logiciel, proposera d'analyser toutes les données remontées par l'usager pour optimiser les performances de collecte : les flux, les tournées, le parc automobile et sa maintenance, etc. C'est un aspect complexe à développer et c'est ce que l'on est en train de faire actuellement.

L'application sera gratuite ?

Oui. Notre volonté première est d'offrir un outil qui permette aux usagers de s'informer sur le zéro-déchet et d'avoir un impact positif sur leur production de déchets. Mais ça ne fait pas un business model donc pour résumer, nos bénéficiaires sont les citoyens, nos clients sont les gestionnaires de collecte et les communautés de communes.

 

Ce projet, c'est un peu les « poupées russes », c'est un projet à tiroirs qui traite de nombreux sujets : la notion de circuits courts, l'éco-responsabilité, l'accessibilité... pourquoi cette démarche globale ?

Tous les acteurs doivent y trouver leur place et être rassemblés autour de valeurs partagées.

Le gestionnaire de collecte est capable d'exploiter des données, mais les données viennent de l'utilisateur.

Donc si l'utilisateur ne devient pas lui-même « acteur de sa production de déchets », il n'est pas en capacité de faire remonter des informations et ne sera pas bénéficiaire, in fine, du système. L'idée c'est que tout le monde travaille vers une amélioration des usages et notre démarche s'inscrit dans l'économie circulaire, parfois un terme utilisé à tort et à travers mais qui a du sens pour notre projet.

On va avoir un impact social et local parce que l'usager est impliqué et qu'on veut mettre une place des bons d'achats dans des commerces, de la redevance incitative, etc. Et en même temps, on a un impact environnemental assez conséquent puisqu'on va tendre vers du zéro-déchets, améliorer les performances de tri et diminuer les trajets donc agir sur l'impact carbone, ce qui n'est pas négligeable.

Et enfin on fait des économies sur la gestion des collectes.

© Unico

Comment tirez-vous parti du statut étudiant-entrepreneur ?

Ce qui est intéressant c'est d'avoir des tuteurs.

On a une personne de l'école et un PDG d'une start-up grenobloise.

Et lui, il a été déjà été confronté aux problématiques inhérentes à la création d'entreprise, donc il est très alerte sur les questions qu'on peut se poser et confronte nos idées à la réalité du terrain.

Et d'autre part, le PEPITE et le statut étudiant-entrepreneur qui va avec, nous permet d'avoir des aménagements de notre emploi du temps, ce qui n'est pas négligeable pour caler des rendez-vous et des séances de travail.

Notre école nous accompagne aussi en mettant à disposition une salle de réunion et en faisant des points réguliers avec nous.

L'économie sociale et solidaire, c'est quoi, du coup ?

J'ai parfois dû « justifier » le mot « économie » à côté de « sociale et solidaire » et ce que je réponds en général, c'est que quand on associe le social, le solidaire et parfois l'environnemental comme c'est le cas avec Unico, on créé de la valeur ajoutée mais en faisant en sorte que cette valeur ajoutée ne soit pas seulement économique mais qu'elle ait aussi une dimension humaine, qu'elle permette de créer de l'emploi, d'être source d'éducation aussi.

C'est une activité économique, mais qui ne sert pas uniquement à dégager des profits et faire des bénéfices.

En toute honnêteté, je pense qu'il peut y avoir pas mal de greenwashing et d'entreprises qui se servent de cette notion d'ESS pour vanter une approche responsable de leur activité, mais nous, on a vraiment envie de s'inscrire dans cette démarche.

On pourrait aller dans l'ingénierie - y a du boulot - ou simplement vanter les économies que les gestionnaires de collecte peuvent faire mais on tenait à répondre à des problématiques locales, tout en travaillant sur l'aspect citoyen et environnemental.

Un petit geste éco-responsable à recommander ?

J'ai découvert un truc, au supermarché, au lieu de prendre un sachet en plastique pour mettre ses fruits et légumes, on peut juste les mettre dans son cabas et coller l'étiquette du poids/prix sur la main ou ailleurs et la faire « biper » en caisse.

En plus, ces sachets sont faits en polyéthylène et ça se traite très mal, c'est ensuite brûlé... ça n'a aucun intérêt en fait.

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